Garrigue Audoise
C'est au coeur de ces paysages de l'Aude, que l'aventure continua. Nous y avons passé quatorze ans,
dont sept sous tipi.
Ce fut aussi des aventures magnifiques, inoubliables, , l'arrivée de mon troisième fils,
des rencontres ,des partages.
Beaucoup de personnes, en quête d'une autre façon de vivre, se sont retrouvées , sans vraiment savoir pourquoi ils étaient là , dans l'Aude, des gens de tous horizons et nationalités , qui se sont retrouvés là, comme ça...
Nous nous sommes organisés, par le bouche à oreille, pour trouver un endroit où mettre un campement.
Nous avons trouvé une grande vallée désertée, appartenant à une association qui n'était plus sur le terrain,
il devait y avoir au moins quinze hectares, un espace immense !.
Et petit à petit , nous nous sommes installés dans cette vallée, petit à petit, plein de gens sont arrivés, à la fin nous étions plus de cent.
La plupart des personnes vivaient sous tipi, et d'autres habitaient dans leur camion.
Il y avait une bonne cohésion en général entre les personnes, et nous avons essayé de recréer un lieu communautaire, en étant aussi le plus autonome possible.
On a déclaré une association,afin de développer et faire connaitre l'habitat tipi ; fait un atelier tipi où beaucoup y ont été crée , dont notre grande "big lodge" communautaire de 8m.
Dans cette vallée, qui se situe entre Limoux et Carcassonne, nous y avons fait aussi des jardins collectifs, des spectacles, joués notamment dans la cité médiévale de Carcassonne.
Nous avons aussi accueilli un groupe de handicapés mentaux sous le grand tipi pendant plusieurs jours, séjour qu'ils ont adorés,vu leurs mines réjouies lorsqu'ils étaient au coin du feu.
On a aussi animé un quartier de Toulouse , lors d'un projet de la ville, appelé : "Sortez de votre réserve"
A cette occasion nous avons monté 6 tipis prés des HLM , en y animant différents ateliers,
la fête s'est terminée sur un grand festival où nous avons assuré l'espace "back stage" dans la "big lodge" pour les artistes.
Un autre épisode mémorable, fut la rencontre avec une délégation d'Indiens Lakota, en tournée en France avec l'association "Amitiés Franco-Lakota" C'était à plus de 100 km de notre vallée, un petit village, où était prévu plusieurs journées programmées avec les Indiens, dont discussions, conférence de presse ,spectacle, ceci dans le cadre culturel d'un rapprochement Occitanie-Lakota.
Nous y avons ramenés nos tipis, certains y sont même allé à cheval avec leurs enfants...
Après plusieurs jours de rencontre avec les Lakotas dont Birgil Kill Straight (Chef politique) et
Johnny Looking Cloud (Chef spirituel ) , nous les avons invité à venir nous voir au tipi, que nous avions pu monter sur le terrain de foot. Ils en sont restés ébahis ne s'attendant pas à rencontrer une tribu sous tipi en France ! Nous leur avions ramené des cadeaux de notre vallée, différentes sortes d'argile, de l'eau de nos différentes sources ,des plumes,des pierres de quartz , de l'artisanat confectionné par nos soins...
Cette expérience dans la vallée de Coumeille a été pour moi très importante dans mon parcours...
En fait toute ma vie sous tipi a été jalonnée de différentes histoires, et toutes aussi passionnantes les unes que les autres, et qui se faisaient comme ça , sans cogiter, qui arrivaient par des rencontres et puis par la volonté de tout le monde pour mettre quelque chose sur pied, et le faire, le vivre...
- Et à chaque fois... quand vous quittiez un groupe, au bout de chaque expérience, n'y avait il pas un épuisement du groupe... ou de l'apport qu'il pouvait vous faire ?
KLer - - Oui, il y a toujours un genre d'épuisement, quand on partait c'était aussi quelque part épuisé...pour un temps...
La vie communautaire telle que je l'ai vécue, n'a jamais eu ni de lois ni de règles;
L'histoire était agrémentée en fonction de chaque individu, puis lorsque d'autres arrivaient ,n'ayant pas vraiment le même esprit , genre de vie, et recherches, et ramenaient plus, un côté "alcoolisé", "distroy" , des gens qui ne cherchaient pas spécialement à vivre d'une bonne façon,cela a aussi contribué à la dissolution du groupe et à son épuisement. Au bout d'un moment, chacun sent qu'il vaut mieux reprendre ses billes et bouger, plutôt que de rester dans une ambiance qui n'est plus harmonieuse...
Et c'est toujours comme ça que je l'ai vécu...
En Espagne aussi, j'ai quitté le village, dès qu'il y a eu des conflits, des tensions entre nous .
Si on ne reussissait pas à régler les problèmes, mieux valait se séparer.
C'est pas évident , finalement de régler les conflits et les tensions dans un groupe, il faut vraiment une "force de vouloir" , mais si il n'y a pas cette force là qui habite chacun, il n'y a pas d'issue en fait.
Les chemins se séparent et puis après, c'est autre chose qu'il y a à vivre; enfin je l'ai toujours bien vécu, ça n'a pas été des déchirements, il y avait oujours l'optimisme de la suite...
. D'un côté on peut dire que c'est peut être dommage de se séparer, qu'il aurait été intéressant de pouvoir continuer, de s'accrocher... dans toutes ces expériences là , c'est un peu brut, je veux dire qu'il n'y a pas de réflexions vraiment menées comme un projet bien établi, bien pensé, bien réfléchi, là c'est des impulsions qui font que l'on se retrouve et puis après si ça ne va pas...
Ca n'a jamais été évident de pouvoir garder une harmonie...(silence)
Après avoir quitté la vallée, j'ai eu quelques expériences plus isolées avec Patrick et les enfants, moments où nous avons plus travaillé sur nous même avec des techniques de médecines holistique, avec notamment une recherche sur la guérison par les pierres semi-précieuses et des excercices liés à la respiration. Nous avons aussi à cette époque lu beaucoup d'ouvrages sur les différentes tribus indiennes afin de s'en imprégner et de parfaire nos connaissances.
Patrick écorçant les perches du nouveau tipi
A cette époque, ses trois garçons sont âgés respectivement de cinq ans , trois ans et un an,
Le "manque de structure" dans l'organisation de sa communauté n'a pas permis la mise en place comme elle l'aurait souhaitée d'un enseignement pour les enfants en âge d'aller à l'école primaire.
Son souhait était que : "... ils vivent eux aussi des expériences communautaires dans une école avec d'autres gamins"
Après une période pendant laquelle les aînés fréquentent l'école de manière sporadique et après avoir testé les cours par correspondance; la nécessité de scolariser régulièrement ses enfants amène Kler et ses enfants à se rappocher du village , dans un premier temps toujours sous tipi : " Là je me suis retrouvée seule, vraiment seule dans mon tipi à côté d'une maison où il y avait des gens aussi qui vivaient d'une manière communautaire ; mais pour moi trop seule, et c'est là que j'ai choisi de partir vivre en maison" .
KLer - - J'ai donc trouvé une petite maison dans ce village, et j'y ai passé sept ans... mais toujours en relation avec le même cercle de gens, ne réussissant pas non plus à m'intégrer à la population, et même sans parler d'intégration mais de relationnel, très très dur, je ne me sentais pas à l'aise .
Aujourd'hui je ne me sens pas plus à l'aise d'ailleurs, c'est comme si je m'étais décalée à vie ! même si aujourd'hui ici en Bretagne , j'ai réussi à entreprendre des actions afin de faire connaitre le tipi. Je me suis dit que peut être mon action maintenant était de commencer à m'ouvrir vers le monde extérieur avec les tipis pour les montrer, les mettre debout dans des villages à l'occasion de fêtes et que ça puisse aussi être un message, un témoignage de mon expérience, un témoignage que j'apprécie faire aujourd'hui...le faire découvrir aux enfants et à tout le monde.
Et je sens qu'à travers une fête, c'est pas pareil non plus que de le vivre bien sure, c'est comme une exposition, quelque part c'est artificiel, mais il y a en fait pas mal de monde à venir s'y intéresser, ils me posent des questions, car ils n'ont jamais vu ça, c'est sure des tipis on n'en voit pas non plus partout, bien que ça se répandent de plus en plus, petit à petit.
Je trouve quand même qu'il y a un intérêt à ce genre d'action, cela me fait plaisir, parce que c'est la première fois finalement depuis cette expérience de vie sous tipi , que je m'ouvre à la société, on me contacte par example pour faire des ateliers contes ou des ateliers de "peintures sur visage" ,le tipi servant d'espace pour tel ou tel atelier.
KLer a également trouvé un espace de témoignage grâce à des animateurs de Jeunesse et Sports qui ont choisi les Indiens d'Amérique comme thème structurant d'animations. L'initiateur de ce thème est titulaire d'un doctorat en ethnologie sur la civilisation Amérindienne, son projet initial a été d'adapter les pictogrammes indiens pour en faire un mode de communication écrit à l'usage des personnes analphabètes.
Kler - - Le thème est vaste...il prend de l'ampleur dans le sens où il part d'une démarche authentique, qui n'est pas du folklore mais du réel qui s'est passé, et qui reste d'actualité parce que les indiens essayent tant bien que mal, certains, quoique très peu, de garder leurs coutumes, leur façon de vivre, leurs croyances, leur philosophie, et donc celà reste quelque chose de concret et d'authentique, ainsi que les paroles anciennes restent vraiment d'actualité.
Voilà, on essaye de trouver des façons d'appréhender le monde des amérindiens par des détails qui pourront se transmettre aux groupes d'enfants et qui va donc rester dans un cadre éducatif; groupes de loisirs, familles rurales.
Dans toutes vos expériences, quel était justement votre rapport à la culture amérindienne historique, est ce qu'il y avait pour vous un lien entre l'adoption de cette culture et l'idée de se rapprocher d'eux, est ce qu'il y avait ce rapport là ?
Kler - - Oui, il y avait ce rapport là,oui bien sure, car les tipis étaient de véritables tipis sioux, je continue à en faire, c'est une forme particulière, il est en forme d'oeuf, la partie la plus ronde correspondant à l'entrée.
en fait , c'est sans réflexion préalable, de coller à la civilisation iindienne mais le tipi, c'est comme une porte qui nous projette finalement dans la vie indienne, sans que l'on s'en rende compte, c'est aussi une synergie qui se passe dans un groupe de personnes et des éléments apportés par certains qui par example savaient faire des saunas, çe sont des connaissances qui me sont arrivées comme ça, je dirais par magie, sans chercher .
Ici en Europe, c'est l'Angleterre qui reçoit directement la synergie des Etats Unis.
C'est arrivé comme ça et ensuite en Bretagne, et très vite quand l'on adopte ce style de vie , on se sent Indien.
Très vite je sentais que c'étais comme ma famille, je les sens comme mes frères et quand petit à petit on apprend, on lit toutes leurs valeurs etc... enfin tout me parle dans leur culture, leur respect par rapport à la nature, leur vision des choses, toutes choses pour eux a un esprit, tout cela me parle et je me sens soeur avec eux.
Naturellement en fait , en ayant vécu cette vie là, c'est venu comme ça à moi, petit à petit, au fil des années; cela arrive progressivement et au bout d 'un certain nombre d'années, on a plus de considération, on évalue ce qui se passe réellement par rapport à un tipi,le fait de vivre sous un tipi, nous amène celà.
On y croit ou pas, mais pour moi la vie sous tipi est forcément en rapport avec les indiens, et lorque je monte un tipi, je sais qu'ils sont là, c'est leur espace à eux.
J'ai toujours respecté le tipi comme étant leur habitat , et je m'en suis rendue compte petit à petit, que c'est comme si nous étions visités par leur présence, que l'on était en relation avec eux et leur guidance ,leur énergie, ceci est quelque chose qui ne s'explique pas mais se ressent.
- C'est comme si l'habitat tipi n'était pas votre propriété propre mais celle d'un univers qui vous aurait adoptée, qui vous aurait accueillie, un lieu un peu comme une église, non ?
Oui, voilà c'est la même chose; mais sans s'en rendre compte en fait, bon moi maintenant c'est ma vision des choses, mais c'est au bout de pas mal d'années, ce n'est pas au départ que je me suis dit ça, je n'en savais rien en fait, je n'ai pas pensé à quoi que ce soit, je n'ai pas non plus lu plein de bouquins pour aller vivre comme eux.
En même temps c'est une évidence, ça va avec, c'est leur énergie, ils sont là présents et certainement lorsque l'on en prend conscience , ils sont là , de plus en plus présents, le tipi attire leur énergie, c'est invisible, mais en tout cas je la ressens, c'est une force.
- Ressentez vous le besoin des fois de revivre en tipi ?
Kler - - Bien sure, car je n'ai jamais abandonné le tipi, même s'il s'est passé des périodes où je ne vivais pas dedans , mais c'était sure que j'avais toujours un tipi à la maison qui était plié et dès que j'ai pu le remettre debout, je l'ai fait...C'est sure que c'est différent, lorsque que l'on vit dans une maison, c'est très difficile de tenir un tipi en même temps, car le tipi demande beaucoup d'attentions, et une maison nous attire à l'intérieur, donc ce n'est pas évident de tenir les deux, surtout en étant seule, c'est un exercice qui n'est pas évident, et c'est pour cela que je le démonte l'hiver car si s' il n'est pas assez chauffé, il s'abime.
En tout cas tous les ans ils sont debout, et comme ici j'ai de l'espace, j'adore dès que je le peux les remonter même si j'ai du mal à y passer beaucoup de temps.
Aujourd'hui, je le vis de façon plus ponctuelle, pour une fête, un événement et je me rend compte aussi que je n'ai plus assez de forces physiques pour le vivre bien. Bien que lorsque que le tipi n'est pas vécu à plein , il apparait toujours toujours difficile d'y vivre.
Vous faites souvent référence aux notions de force et d'énergie données ou exigées par la vie en tipi, qu'est ce qui est dure ou difficile dans cette vie là ?
Kler - - Et bien déjà, moi les côtés durs que j'ai pu vivre c'est quand j'étais seule, surtout au niveau du bois, aller le chercher, le ramener, le couper, aller chercher l'eau, c'est ça le côté dur et être toujours vigilant...
On est jamais tranquille dans un tipi, il faut vraiment être aux aguets tout le temps, il se passe un coup de vent, il faut être sur le qui vive même la nuit pour aller vérifier les attaches , le réglage des oreilles, on ne dort pas sur ses deux oreilles, on est sans arrêt en alerte pour que tout se passe bien. Et ça peut très vite devenir galère si les choses sont mal faites, on le paye, il vaut mieux être jeune et en forme pour pouvoir bien le vivre ; ça m'a usée aussi mais je ne regrette rien du tout.
Aujourd'hui j'irai plutôt vivre en yourte, ce serait plus simple, je sens qu'il y a une plus grande facilité de vie en tout cas.
J'ai apprécié aussi quitter le tipi mais ça m'a rendu un peu paresseuse, la maison elle, tient debout, il n'y a rien à faire ( rires)
Le tipi c'est comme un grand maître qui remet les pendules à l'heure, il vous remet les pieds sur terre, on doit savoir considerer ses actions, tout doit être fait dans le sens que cela va être harmonieux et que l'on ne va pas avoir oublié quelque chose...si à la fin de la journée on a oublié l'eau, on fait le feu pour le repas et bien on peut y retourner, mais au bout d'un moment on n'oublie plus ! c'est un apprentissage qui se fait petit à petit comme prendre l'habitude de ramasser du bon bois pour ne pas être enfumé. Cela ponctue les actions, pour que la vie soit harmonieuse.
C'est comme ça que j'ai considéré le tipi, un grand maître qui vous apprenait la vie... basique.
Je pose ensuite à Kler une question relative à la manière dont elle percevait ou se représentait son environnement d'alors, quelle importance, quels qualificatifs elle lui attribuerait, ma question hésitante amène de sa part des considérations sur " le vrai bonheur d'être, dans une vraie nature authentique, qui n'a pas été souillée " et par opposition le fait d'être mal à l'aise dans un environnement qui a été fabriqué de toute pièce.
Suite à un courriel envoyé après l'entretien, elle va apporter plus de précisions à ce sujet :
Voici donc quelques photos et précisions suite à notre entretien.
Je vous rajoute les dates manquantes :
Garrigue Audoise :1993
Gwendal, Tchywan et Tymour :1994
Hiver à Coumeille : 1993
Paysage Audois : J'y ai vécu le plus longtemps sous tipi : 7 ans , ensuite en maison , en tout 14 ans.
Type garrigue : sapins , chênes verts, églantiers, dont on cueillait les baies de cynorhodons riche en vit.C, ainsi que le thym , le romarin, lavande, sauge que l'on cueillait aussi pour les tisanes.
Magnifiques petits ruisseaux qui scultaient les roches calcaires, souvent serpentant au fond d'un écrin de verdure, très sauvage, et magnifique !
Petites sources dénichées aux creux des vallons, d'où nous puisions l'eau potable ( auncune pollution chimique alentour à des hectares à la ronde )
En été, souvent des ruisseaux à sec, où j'adorais partir à la découverte du "no man's land" secret, jamais visité.
Quelques fois des torrents bouillonnants, au fond des canyons...
Recherche de villages abandonnés où nous découvrions les anciennes cultures d'oliviers, amandiers, pommiers, noyers, poireaux, d'où nous tirions nos récoltes.
Nous recherchions toujours des lieux de camp propice à la vie, avec du bois et de l'eau, sur une terre saine, sans humidité pour pouvoir poser les tipis.
Ainsi nous avions à proximité le nécessaire vital ( eau , bois )
Là où se fut le plus pénible à trouver le bois, fut au Pays de Galles, où il nous fallait parfois parcourir de longues distances( 3-4 km) car beaucoup de personnes utilisant le feu, vivaient là depuis longtemps (15ans) d' où pénurie, (aujourd'hui cela fait 30 ans que des tipis habitent cette vallée) , Je sais que maintenant, ils achètent du bois ou vont le chercher très loin en camion.
Nous choisissions aussi toujours des lieux souvent très éloignés d'autres habitations dans l'esprit : "pour vivre heureux , vivons cachés ! " nécessaire à notre bien être insolite pour la plupart des villageois.
Nous ne descendions en ville qu'une fois par semaine pour nous rendre au marché hebdomadaire et rencontrer entre amis, discussions et nouvelles de la tribu. Nos relations se limitaient à des personnes de même esprit et recherches que les nôtres.
Je n'ai pas de souvenirs d'avoir rencontré les gens du coin, car trop de décalage.
Voici ces quelques détails que je peux rajouter, n'hésitez pas à me recontacter s'il vous manque d'autres précisions.
Salutations"